top of page

Être parent rend-il (encore) heureux ?

Dernière mise à jour : 15 juil.


En 2017, lorsque je divorce et que, de fait, j’ai régulièrement du temps “pour moi” quand mes enfants sont chez leur père, je suis frappée par la réaction de nombreux amis, et parfois même de total inconnus :

“Oh le rêve ! Je donnerai beaucoup pour avoir quelques heures rien qu’à moi…”

Sur le moment, je souris. Mais intérieurement, je me demande comment en est-on arrivé là.

Comment ces parents en viennent-ils à rêver, non pas d’un voyage, d’un projet, d’un plaisir, mais simplement… d’une pause ?

De quelques heures de silence, à ne plus “être disponible” pour tout le monde.


ree

Je n’ai aucun souvenir de ma mère évoquant avec envie d’avoir “du temps pour elle toute seule”, alors qu’elle aussi avait la garde de ses enfants à plein temps (ambiance 80’s ;). Que s’est-il passé entre-temps ?


Car ces confidences, je les entends très fréquemment dans les entreprises pour lesquelles je travaille et elles me glacent. Au quotidien, je constate chaque jour que les parents vont mal, mais qu’ils l’expriment peu ou pas : le mal-être parental reste encore aujourd’hui, un tabou car un aveu d’échec.


Pourtant l’augmentation du burnout parental est réelle et reconnue scientifiquement : en France, près de 6% des parents seraient en burn out parental, avec comme symptômes : épuisement émotionnel, distanciation, culpabilité, anxiété.


Alors, pourquoi les parents craquent ?


1. La tyrannie de la perfection et de la pression sociale

Aujourd’hui, être “un bon parent” ne se limite plus à aimer, nourrir et éduquer ses enfants.

Depuis les découvertes en neurosciences de ces dernières décennies, on sait que l’environnement dans lequel évolue l’enfant est décisif pour son développement. Et c’est précisément ce qui pose problème car l’optimisation de cet environnement est sans limite. On peut toujours en faire plus (parler anglais à son enfant, acheter des produits bio, l’inscrire au plus tôt à moult activités de développement qui vont l’aider à devenir créatif, sportif, organisé, productif, calme, … 😳)


L’objectif, souvent inconscient, est de leur donner une longueur d’avance dans un monde ultra-compétitif, avec une pression énorme sur les enfants… et sur les parents !


De plus, les scientifiques ont aussi démontré l’impact majeur du climat émotionnel sur le développement de l’enfant — certes. Mais ce message a été perverti en une croyance que chaque contrariété vécue par un enfant le marquera à vie et que tout repose sur ses parents ! De quoi culpabiliser même les plus résistants d’entre nous.


D’ailleurs en 2025, 55 % des parents ont le sentiment de "ne pas être un bon parent" alors qu’ils n’ont jamais été aussi impliqués qu’aujourd’hui. Mais les attentes sont sans limite.


En parallèle, il "faut" aussi se réaliser professionnellement. Une injonction majeure depuis que “l’équilibre pro-perso” est dans toutes les bouches (et dans tous les post LinkedIn ;)

Le résultat ? Une pression énorme, intériorisée et culpabilisante : 93% des parents déclarent ressentir régulièrement de la culpabilité dans leur rôle parental* et près de 6% des parents - majoritairement des femmes - sont touchés par le burn out parental**.

Mais ce n’est pas tout…

ree
2. éduquer sans repère et sans confiance,

En parallèle, le monde est devenu plus instable, plus angoissant et le combo “instantanéité de l’information + réseaux sociaux en boucle sur les drames” amplifie cette tendance à l’anxiété généralisée.


Or cette peur permanente censure la spontanéité et le libre arbitre de nombreux parents :

- On peut aller faire un tour en vélo jusqu’au village pour acheter des bonbecs ?

- (oui ok … génial cette liberté mais si elles croisent un malade qui veut les enlever ?…)

- bon, ok, mais je vous accompagne …


- L’an prochain je vais m’inscrire en céramique aux Beaux-Arts

- (oui génial, il fait de la céramique depuis toujours, il adore ça…)

- oui, ok, mais tu pourrais faire ça en parallèle de tes études de droit ?


Comme toutes les générations avant nous, nous voulons offrir à nos enfants “le meilleur”, mais dans ce contexte de sur-information anxiogène et d’injonctions contradictoires, il est devenu de plus en plus difficle de se faire confiance et de prendre les bonnes décisions.


Entendu dans le podcast de Sonia Kronlud***, une maman qui dit “J’apprends dans les livres les phrases qu’il faudrait que je dise à ma fille.Cette perte totale de spontanéité et de confiance en ses propres capacités à élever ses enfants est à la base de l’effondrement du plaisir à être parent.


3. L’isolement

Ces angoisses permanentes sont aussi aggravées par un phénomène récent : l’explosion de familles monoparentales. Or quand on est seul(e), les angoisses ont libre court pour prendre toute la place.


Ceux qui me lisent souvent savent que j’élève seule mes deux filles et heureusement, je suis loin d’être isolée. D’ailleurs, j’ai une petite “garde rapprochée” (que j’aime d’amour ❤️ :), que je consulte souvent, parfois en urgence, pour avoir du recul sur les décisions à prendre pour mes filles. Parfois c’est anodin, parfois c’est plus engageant mais ils m’aident à élargir mon scope pour prendre les bonnes décisions.


Je rencontre souvent lors de mes missions parentalité en entreprise, des parents désemparés qui sont paradoxalement submergés d’informations MAIS trop seuls pour savoir quel conseil suivre. Les grands-parents vivent loin, les réseaux de voisinage se sont dissous, les services de garde sont inaccessibles pour beaucoup. Pour eux, nous organisons des “cafés de parents” informels. C’est tout simple : un café mensuel ou un déjeuner après chaque vacances scolaires ; un moyen facile et gratuit de créer des connexions entre pairs et de rompre cette solitude délétère.


Alors, que faire ?

Face à ce constat inquiétant, la tentation est grande de chercher encore la « checklist magique » pour redevenir des parents heureux et équilibrés (…parfaits, donc). Mais c’est précisément là que réside le piège : vouloir « réussir » sa parentalité comme on réussirait une carrière ne fait qu’alimenter la machine à culpabilité et nous éloigne de l’essentiel.


La première chose à faire, c’est de lever le tabou :

Oui, être parent est épuisant, surtout à notre époque. Oui, il est normal d’avoir parfois besoin d’aide. Ce n’est pas un aveu d’échec : c’est la vie !

Et ce “droit à demander de l’aide” est d’autant plus important que l’on sait aujourd’hui — études à l’appui — qu’un parent qui prend soin de lui-même protège indirectement ses enfants : les chercheurs de l’UCLouvain ont montré que le burnout parental déclenche également anxiété et troubles émotionnels chez les enfants. (Je n’écris pas ça pour culpabiliser les parents, bien au contraire, mais juste pour vous aider à accepter d’arrêter de courir après la perfection : vous êtes le meilleur parent possible pour votre enfant ! )


Ensuite, il faut réapprendre ne plus faire “comme il faut” mais “comme on le sent” 

…car il n’y a rien de pire que de ne pas être aligné avec ses principes éducatifs. Contraindre ses enfants à faire quelque chose qui nous paraît absurde est horrible pour tout le monde.

Faites confiance à votre bon sens et à votre instinct : chaque contrariété ne traumatisera pas vos enfants (au contraire, l’apprentissage de la frustration est un apprentissage essentiel) ; ils n’ont pas non plus besoin qu’on leur serve des plats bio, après avoir consulté 30 blogs de nutrition. Ils ont besoin qu’on soit présents quand on peut l’être mais vivants et heureux. Pas qu’on devienne une sorte “d’IA éducation positive”, qui contrôle tout ce qu’on dit et ne laisse aucune place à la spontanéité ou au second degré.  


Bonne nouvelle : les enfants ont aussi besoin d’être impliqués dans la vie de la famille.

(Même s’ils vont commencer par ne pas être d’accord ; ) Mais obligez-les à participer ! Donnez-leur des responsabilités, mettez-les à contribution pour répartir les tâches quotidiennes. A chaque âge, les enfants peuvent faire une part pour contribuer ; ces responsabilités leur donnent confiance, les rendent autonomes et… vous soulagent d’une partie importante des tâches quotidiennes.


Enfin, aidez les parents seuls à sortir de l’isolement…

…car ils sont plus vulnérables et leurs enfants plus exposés. Apel, parents de l’école, activités extra-scolaires, soyez attentifs aux parents solo : celui qui galère toujours pour être à 18h à la sortie de l’école, celle qui est trop timide pour venir prendre un café avec les autres parents…

Et en entreprise, c’est la même chose : créer des espaces collectifs, comme des cafés des parents, est une solution simple pour retisser ce tissu social entre pairs.


Conclusion

Le secret n’est surtout pas de faire plus, mais de retrouver confiance en vos convictions éducatives et de poser vos limites. (Coup double : on apprend ainsi au passage à nos enfants qu’ils n’ont pas non plus à être parfaits pour être aimés ;).


La parentalité n’est pas une image Nivéa avec de jolis enfants qui sentent bons.


La parentalité, c’est un apprentissage long, parfois joyeux, parfois fastidieux. C’est une route sublime et chaotique sur laquelle on se lance sans toujours décider du chemin qu’on va emprunter. C’est l’aventure dont nos enfants ont besoin pour grandir… et nous faire grandir avec eux.


Vous êtes de super parents. Faites-vous confiance.


 
 
 

Commentaires


bottom of page